Vass Shoes, Budapest : les chaussures faites main « Made in Hungary »
Qui connaît la chaussure hongroise ? Mais qui ne connaît pas Vass Shoes ? En moins de temps qu’il n’en faut pour voir apparaître son nom dans un moteur de recherche, la petite entreprise de Budapest est devenue la référence incontournable du Made-to-Order (l’un des meilleurs rapports qualité-prix) pour les passionnés de chaussures du monde entier. La montée en puissance des forums, et surtout du premier d’entre eux par ordre d’importance (Styleforum pour ne pas le nommer), n’est pas étrangère à ce succès, auquel participent également une poignée de revendeurs sélectionnés, notamment à Londres et à New York. À noter que Vass Shoes dispose également de deux boutiques à Budapest (pour ceux que deux heures d’avion n’effraient pas).
Né en 1946, László Vass commence son apprentissage à l’adolescence – un apprentissage complété par un cursus de cinq ans au Hungarian Fashion Institute et couronné par un diplôme de bottier obtenu à l’âge de 23 ans. Il travaillera ensuite pour une maison de couture locale jusqu’en 1978, date à laquelle il décide de fonder son propre atelier, sa propre marque. Son style, traditionnel, témoigne de l’héritage bottier austro-hongrois. D’aucuns pourraient le trouver un peu rustique. L’est-il moins que celui pratiqué par certains de nos amis d’outre-Manche ? Il faut dire que l’offre est pléthorique : Budapest, forme 3636, forme P2, forme K, forme R, forme Peter (intéressante au demeurant, notamment pour des chaussures équipées de semelles Vibram)… Un tournant est franchi au cours des années 2000 avec l’adoption de deux formes supplémentaires, la F et la U, nées de la collaboration de László Vass avec Roberto Ugolini. À la demande du concept-store japonais Isetan (désireux d’offrir à ses clients une ligne combinant tradition artisanale et design italien), le bottier florentin a en effet prêté son concours à la création de modèles plus internationaux, plus urbains – que l’on retrouve aujourd’hui dans la collection permanente.
Petits détails pratiques : il est possible de passer commande d’une paire en MTO en s’adressant (en anglais) à M. Rezső Kuti, l’assistant de M. Vass. La procédure indiquée sur le site permet de choisir successivement un modèle, une forme et une (ou plusieurs) peausserie(s). Quant aux délais de livraison, compter entre six et huit semaines après le passage d’ordre.
Six questions à Rezső Kuti, bras droit de László Vass, fondateur de Vass Shoes
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Vass Shoes est connu à travers le monde pour être l’un des rares champions du Made-to-Order. Quand avez-vous compris que le MTO pouvait être pour la société une formidable opportunité de développement ? Quelles sont aujourd’hui les parts respectives du prêt-à-chausser et des commandes spéciales ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – Nous avons débuté notre programme MTO en 2010, parce que beaucoup de gens venaient vers nous et nous demandaient : « serait-il possible d’avoir tel détail, telle couleur, telles finitions ? » Ce que nous acceptions, naturellement. Mais très vite, la demande a pris des proportions importantes, alors nous avons décidé de nous organiser, de faire mieux, en nous dotant de protocoles. Nous avons établi ce que les clients pouvaient demander et par quel canal ils pouvaient le demander. Ensuite, en 2014, nous avons renouvelé notre site Internet, qui comprend aujourd’hui un guide permettant de commander nos chaussures directement. En termes de quantité, le prêt-à-chausser et le Made-to-Order sont quasiment à l’équilibre.
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Les chaussures Vass, à la différence des chaussures de nombreuses autres marques qui utilisent le mot « handmade », sont véritablement faites à la main. Pourriez-vous nous dire ce que cela signifie d’un point de vue pratique, et ce que cela implique quant à la durabilité de vos chaussures ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – Vous avez raison, de nombreux fabricants, de nombreuses marques continuent à inscrire la mention « handmade » à l’intérieur de leurs chaussures, alors que ces dernières sont entièrement faites machines – au moyen de nombreuses machines différentes. Le fait machine en soi n’est pas un problème, mais nous pensons que faire des chaussures à la main fait partie intégrante de notre héritage. Nous avons eu l’opportunité de passer au fait machine, nous ne l’avons pas fait. Nous pensons que les chaussures ont leur personalité. Nous sommes capables de dire comment nous les avons faites, pourquoi, et le temps que cela a pris. Par ailleurs – et il s’agit là d’un point important -, nous sommes capables de les entretenir, de les ressemeler, chaque fois que nécessaire, ce qui accroît leur durée de vie d’autant. Et je ne parle pas des modifications que nous sommes à même de leur apporter.
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Une vingtaine d’artisans travaillent actuellement à l’atelier. Comment sont formées les personnes qui travaillent avec vous ? Y a-t-il suffisamment de jeunes désireux de s’investir dans l’artisanat ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – Tous nos artisans étaient déjà expérimentés lorsqu’ils ont rejoint l’atelier. Bien sûr, compte tenu de l’expérience accumulée, ils sont meilleurs aujourd’hui qu’à leurs débuts chez nous. La pratique est le meilleur professeur qui soit ; seule l’expérience permet d’atteindre la perfection. Par ailleurs, M. Vass et le chef d’atelier veillent jour après jour à ce que nos artisans respectent les règles et soient attentifs au moindre détail. Pour répondre à votre question, il y a malheureusement de moins en moins de candidats au travail manuel, spécialement dans le domaine de la chaussure.
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Quels conseils donneriez-vous à un homme qui n’a jamais essayé de chaussures Vass et désire en commander une paire pour la première fois ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – Bonne question ! Chaque bottier a son propre style, son propre design, sa façon de faire personnelle. Pour une première commande, je suggère à nos clients d’essayer l’un des modèles proposés via notre boutique en ligne. Ainsi, ils comprendront en quoi consiste notre histoire. Généralement, nous conseillons à nos clients d’essayer l’une de nos formes les plus prisées, la P2. Elle offre beaucoup de confort et d’espace pour le pied. Un derby Budapest est une pièce classique. Tous les hommes devraient en posséder une paire.
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Quel est votre modèle préféré ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – M. Vass préfère le Budapest, un derby basé sur la forme P2. Personnellement, je dirais un richelieu, le modèle n° 1065, basé sur une forme F. Question de générations ! Dans les deux cas, dans un box-calf français !
Laurent Le Cam, Milanese Special Selection – Quel est le secret d’une belle ligne de chaussure ?
Rezső Kuti, Vass Shoes – C’est une question cruciale, l’une des plus difficiles, en fait. Je dirais : les proportions et les détails. Idéalement, le bout de la chaussure ne doit être ni trop court ni trop long. Même chose pour la partie médiane. Le choix du cuir et le cirage sont également très importants. Mais je pourrais citer également une foule de petits détails qui n’en sont pas : les surpiqûres, par exemple. Tout compte, en fait.
Magnifique !
A-t-on une fourchette de prix ?
Bonjour,
Pour résumer, autour de 750-800 euros, embauchoirs inclus, pour des modèles classiques, autour de 1000 euros pour les bottines. Je parle ici du « Made-to-Order » (je ne connais pas les prix du prêt-à-porter).
Cordialement,
Laurent